Sous le nom accrocheur de « Entreprise 2.0″, une nouvelle vague d'applications de travail collaboratif fait son entrée dans l'entreprise. Basées sur la même technologie que les communautés Web, ces plateformes logicielles intègrent blogs, wikis, forums, salons de discussion et partage de documents pour un groupe d'employés, et gagnent du terrain comme un remède à de nombreuses maladies organisationnelles. De la même manière que les sites sociaux rassemblent les gens sur Internet, le pari est que l'Entreprise 2.0 permettra de décloisonner les structures, d'aplatir les organisations, et finalement d'accélérer l'innovation et les cycles de commercialisation. Dans ce monde, les employés sont informés en temps réel sur leur entreprise, s'impliquent davantage dans le travail d'équipe et partagent leurs connaissances avec des collègues qu'ils ne connaissent même pas pour aider l'entreprise à réussir dans son ensemble. Mais qui a jamais essayé de mettre en Å"uvre une communauté d'entreprise 2.0 sait qu'elle ne se crée pas en une nuit simplement en déployant des logiciels. Le défi est d'inciter les employés à l'utiliser, et si possible, d'une manière qui serve les objectifs de l'entreprise.
Je ne pense pas qu'il y ait de recette magique pour réussir à mettre en Å"uvre une telle plate-forme communautaire d'entreprise, mais j'ai vu quatre erreurs courantes qui toujours ont conduit à l'échec :
1. Penser que les employés meurent d'envie de partager leurs informations
Une erreur fréquente est de supposer qu'une fois que les outils seront disponibles, tous les employés se mettront naturellement à les utiliser. C'est vrai, des communautés d'utilisateurs se créent spontanément sur Internet tous les jours. Mais c'est la passion qui les cimente. Un intérêt commun, et souvent personnel, est ce qui les unit. Malheureusement (ou heureusement ?), la plupart des gens se montrent moins passionnés quand il s'agit de partager leur travail.
Le travail, c'est aussi la concurrence. Un esprit de compétition est généralement bon pour l'entreprise, mais quand la compétition devient trop interne, un réflexe naturel est de partager moins d'information pour rester en tête ... et garder son job ! Sous-estimer la réticence des employés à partager leurs précieuses connaissances conduit de nombreuses communautés à l'échec. Elles finissent comme des bibliothèques poussiéreuses, pleines de questions sans réponse.
2. Penser que des leaders de confiance émergeront de la foule
Les bons leaders de communauté donnent le ton, partagent de nombreuses informations intéressantes, sont pro-actifs dans les forums et surtout, exercent une autorité naturelle dans leur domaine d'expertise. Malheureusement pour les communautés d'entreprises, ces « leaders » sont souvent trop occupés à appliquer leurs connaissances dans leur travail pour passer du temps à les partager. Sur Internet également, les consultants sont responsables de la majeure partie des contenus professionnels disponibles sur les blogs et les réseaux sociaux. Rares sont les professionnels et managers opérationnels d'entreprise qui se donnent la peine de partager quelques expériences sur leur blog après une longue journée de travail !
Obtenir la participation des experts internes les plus reconnus est une forte incitation pour les utilisateurs à participer à une communauté d'entreprise. Sans leur participation active, les utilisateurs de valeur ne suivent pas et des utilisateurs sans crédibilité prennent le pouvoir, transformant la communauté en un club de perdants. L'association d'étudiants sans influence dont personne ne veut faire partie. Donnez donc aux « vrais leaders » de bonnes raisons, et idéalement un peu de temps, pour participer !
3. Sophistiquer à l'excès les processus et les outils
Parce que les communautés qui réussissent sont celles où les utilisateurs se sentent libres de partager et sont encouragés à le faire, il est important de NE PAS créer trop de règles et procédures pour y participer. Définir trop de règles, imposer trop de contrôles, et forcer tout le monde à suivre un processus de publication à plusieurs étapes est de nature à repousser les utilisateurs les plus précieux: ceux qui sont disposés à partager, mais pas au prix d'être surveillés par des super-administrateurs.
4. Sous-estimer la concurrence
Je ne parle pas des entreprises concurrentes, mais des autres systèmes internes qui sont en concurrence pour obtenir leur part d'attention des utilisateurs. L'objectif premier des utilisateurs d'un système est d'obtenir de l'information plutôt que d'en donner. Et ils sont généralement peu enclins à se connecter à plusieurs systèmes de façon régulière. De nombreuses communautés meurent avant d'être vivantes tout simplement parce que les utilisateurs ne voient pas ce qu'ils peuvent en tirer lors de leur première connexion, et continuent donc d'utiliser d'autres systèmes qui sont peut-être moins «sociables», mais sont remplis de renseignements utiles. Lancer une nouvelle plate-forme communautaire sans contenu préexistant est le plus souvent voué à l'échec. Cela revient à inviter les visiteurs prendre possession d'une coquille vide, en ignorant que leur premier besoin est de récupérer la chair, pas la coquille.
Au-delà de la technologie, le plus grand défi de tout projet de plate-forme sociale est d'encourager son utilisation dès le début, car les utilisateurs déçus n'y reviendront pas avant longtemps ! Que ce soit avec une approche « top-down » (initiée du sommet), une approche « bottom-up » (entrainée par la base), ou plus probablement un mélange des deux, la clé du succès est à mon sens de se concentrer sur les motivations des employés à participer à la communauté d'entreprise. Un bon contenu informatif est généralement un bon début. Mais je ne fais que du marketing. Mieux vaut faire confiance à un consultant ou un scientifique !
A lire pour creuser le sujet :
> Enterprise 2.0: New Collaborative Tools for your Organization's Toughest Challenges par Andrew McAfee, directeur de recherche scientifique au Center for Digital Business du MIT Sloan School of Management.