Comme le disait le correspondant de Pékin, Bruno Philips, dans le Monde, daté du 4 juin, il est généralement convenu de penser que les jeunes étudiants chinois ont oublié le massacre de Tiananmen, 20 ans après. "C'est un cliché qui mérite d'être nuancé. Même si leur indifférence à ce sujet se confirme". (Source).
Il cite un étudiant : "(...) je suis au courant de ce qui s'est passé sur la place Tiananmen. Beaucoup de sites Internet sont bloqués, mais pas tous, et on peut tout de même passer à travers les mailles du filet".
On pense souvent, à tort, que les Chinois sont dans l'ignorance, et que si l'information se rendait à eux, "ils comprendraient". Rien de plus faux.
Pourtant, il est vrai que toute personne en Chine tentant de chercher une information sur la place Tiananmen recevra une page 404, "cette page n'existe pas".
Don't search, young man / ä¸è¦æœå¯»ï¼Œå¹´è½»ç"·å
Dans le Los Angeles Times, interviewant un jeune de 26 ans, près de la place Tiananmen, on entend : "If the government tells us as Chinese citizens we should not know about something and shouldn't be searching material, we should be responsible and obey". Si le gouvernement nous dit qu'il ne faut pas savoir certaines chose, nous devrions être responsables et ne pas chercher ces choses. (Source : "Tiananmen anniversary unimportant to China's youth").
Avec Internet, outre le cas, bien réel, de censure (mais à terme illusoire --il y a toujours quelques choses qui filtre), l'abondance de l'information ne sera jamais, au grand jamais, garant de la pérennité de la mémoire de la vérité. Elle est son support. Elle est son véhicule, mais elle est aveugle à ce qui est vrai ou faux.
Pas que le massacre de la place Tiananmen ne soit pas vrai. Pas que les textes et les images soient faux. Mais celui qui les accèdent détient le pouvoir d'y croire. La vérité serait dans les yeux de celui qui croit.
Accéder n'est pas comprendre / 访é-®ä¸ç†è§£
Les occidentaux auront beau mettre sur leurs blogues, leur Twitter des liens vers ces images, ces textes, pour contourner la censure internet, les chinois resteront de glace face à nos agissements. Ils nous croiront quand ils vont le décider. Pas parce nous les avons "informés "
Il faut comprendre comment fonctionne l'autorité informationnelle: dans la surabondance de l'information, il y a tout et son contraire. Trouver une information n'est pas garant de sa validité. Il existe l'exacte même information qui la contredit à un clic.
Qui croire? Son autorité informationnelle. Il valide pour vous si l'information peut être digne de foi. Les journalistes ont ce pouvoir, les professeurs, les politiciens aussi. Peut-être que leur étoile pâlit, mais le point tient. C'est une autorité cognitive à qui l'on prête compétence, dans une sphère donnée.
En un seul gouvernement tu croiras / 在您认为一个国家的æ"¿åºœ
Le gouvernement reste une autorité cognitive très puissante. Elle ne peut pas cacher tout le temps une information, mais elle peut manipuler l'opinion un bon bout de temps. Vous pouvez répandre toutes les informations que vous voulez, si le gouvernement est contre vous (dans les dictatures), ce sera vous qui serez accusé de propagande. Parce que, qui dit, pour ce jeune chinois assoiffé de connaissance, que vous n'êtes pas en train de trafiquer l'histoire avec vos photos et découpures de journaux étrangers.
Inutile d'aller très loin pour trouver de tels autres exemples. Un autre grand peuple, tout ce qui a de démocratique, a envahi un pays sous le prétexte qu'il avait des armes de destruction massive (au demeurant inexistantes) et sa populace a, au plus fort de l'hystérie collective, entièrement gobé ces sornettes alors que n'importe quel quidam qui lit un journal dans n'importe quelle autre partie du monde savait de quoi il en retournait.
infotoxication
Mettre toutes les informations du monde sur internet ne sauvera pas Tiananmen de l'oubli pour 1/5 de l'humanité. La propagande du parti communiste a bien marché. "Deng Xiaoping ne voulait pas faire tirer sur les gens. Il y a été poussé par les étudiants extrémistes et, Ã un moment, la situation devenait incontrôlable. La décision de Deng, au final, était légitime." rapporte Le Monde en citant une étudiante chinoise.
Cet incident est comme un vieux tweet qui coule au fond des archives. Non pas qu'il ne soit pas accessible à qui se donnerait la peine. Mais il y a tant d'autres Tweets qui arrivent en ce moment...
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