Ces conclusions (partielles) que les journalistes (dé)cloisonnées ont parsemées dans les médias traditionnels me laissent perplexe. Voyons celles que j'ai retenues (n'hésitez pas à partager d'autres liens si vous en avez).
Nicolas WillemsDésolé, Nicolas, celle-là fait partie des prémices de l'expérience, et n'est en rien une découverte. Twitter n'a pas été choisi au hasard...
« Ce qu'on a découvert grâce à Huis Clos sur le Net, c'est que Twitter est un réseau, un système d'alerte et de recherche de contact. » Le Soir.be
Je vous cite d'emblée Nicolas, non pas pour le pointer du doigt, mais bien pour vous signaler au contraire la personne qui a rapporté ses propos. Quand on connaît son sujet, on ne choisit pas cet extrait, on lui repose de nouvelles questions! (voir les miennes ). Nous verrons plus bas en quoi cela est un révélateur.
Anne-Paule Martin (RSR)Bien vu. Mais, comment dire..., je vais la paraphraser autrement pour expliquer mon point: « Les gens qui sont en Irak sont dans une logique de guerre, de concurrence entre les "traditionnels" et les Occidentaux. Ils ne veulent pas entendre que l'expérience de l'invasion américaine n'est pas partisane ». Vous voyez ce que je veux dire?
« Les gens qui sont sur Twitter sont dans une logique de guerre, de concurrence entre les médias traditionnels et les nouveaux médias comme les réseaux sociaux. Ils ne veulent pas entendre que l'expérience Huis clos n'est pas partisane ». Le Soir.be
Bien sûr, elle a raison, l'expérience a démontré une extrême sensibilité des internautes (qui n'ont pas été toujours tendres envers le huis clos). Mais les journalistes, jadis, ont salement accueilli la blogosphère, et le dénigrement systématique du web 2.0 n'a cessé seulement quand il était clair que la crise des médias allait en s'accélérant (et que l'industrie de la news en portait une grande responsabilité). Que les «habitués des médias sociaux» aient été facilement irritables, n'est que juste retour des choses, non?
Benjamin Muller (France Info)Point 1, ici, encore, on tente de faire passer une des prémisses de l'expérience en une de ses conclusions. Non seulement la viralité est inscrite au coeur même de ses outils (un clic est c'est retransmis), mais la "rapidité" n'est rien en comparaison à la co-création d« effet de réel » (un support « fait exister » une information qui circule dessus) qui est une des grandes avancées démocratiques de l'outil.
Il retient trois apprentissages (France Info)
1- La première est la rapidité de relais qu'offre Twitter.
2- Les médias traditionnels nous manquent pour comprendre et pour décrypter l'actualité qui nous parvient. (les médias offrent du contexte)
3- Le troisième enseignement est la hiérarchie qui ressort de Twitter. Hiérarchie évidemment différente de celle des médias classiques.
Point 2, là , hors jeu. Je signale que cette contrainte (se couper des médias traditionnels) est une donnée imposée par les auteurs mêmes du projet. Je répète ici mes prédictions données avant le début de l'expérience: ce n'était pas "5 journalistes isolés sur le web", mais bien 5 journalistes isolés de leurs confrères, ressources, contacts, outils pour "faire leur boulot de journaliste". Dans ces conditions il est évident que "décrypter l'actualité" est plus difficile.
Point 3, il a raison, l'hiérarchie y est définitivement différente. Mais voilà déjà quelques années que cette information a été démontrée dans une étude. L'information internationale, partout sur le Net, est en régression. J'y vois là une opportunité pour les journalistes de s'organiser en relais de cette information.
Nour-Eddinne Zidane (France Inter)Recoupant l'apprentissage d'Anne-Paul Martin (les experts en médias sociaux ont grimpé dans les rideaux), il repère un retard certain de (quelques) journalistes francophones dans leur pratique d'internet. Ou peut-être de leur rédaction.
«Le principal enseignement est d'avoir eu le sentiment d'être situés "entre deux mondes" : Du côté de ceux qui maîtrisent les réseaux sociaux, (...) ; et de l'autre côté, certains journalistes des médias dits traditionnels considéraient ça comme une expérience tout à fait futile, avec ces réseaux sociaux dans lesquels on ne peut pas avoir confiance ou qui relayent des fausses rumeurs. Il a fallu un peu de temps pour expliquer aux gens qu'on n'était pas là pour démontrer quelque chose, mais pour voir ce qui se passait sur ces réseaux concrètement, sans a priori" RTBF
Janic Tremblay (SRC)D'où les appels du pied d'internautes: on partage le même terrain, mais chacun à sa manière.
«Aucun journaliste ne peut concurrencer un tel réseau. Mais sur une base quotidienne, c'est beaucoup plus facile de s'en remettre aux médias traditionnels pour savoir ce qui se passe dans le monde. Ce n'est pas une affaire de supériorité. Simplement de ressources et de temps.»RTBF
«Vous allez me répondre que vous avez compris cela depuis longtemps et que pour vous, Twitter est une source d'information complémentaire et un outil de socialisation", ajoute-t-il.
Oui. Effectivement.
Conclusions?
« Ce qu'il faudra, et c'était prévu depuis le départ, c'est refaire un point dans quelques mois. »RTBF
On peut faire le point tout de suite: comprendre les médias sociaux, ça prend du temps, beaucoup de temps. Comme dans toute pratique.
Commencez maintenant. Lisez les blogues spécialisés dans le domaine, toutes les conclusions y sont dans leurs archives depuis longtemps. Il y a un réseau très bien ficelé d'experts qui partagent ouvertement leurs pensées: si vous voulez, voyez-vous comme des géants sur les épaules des nains.
Et dans ce domaine particulier, la presse anglophone est particulièrement en avance. Il me semble que le monde journalistique francophone n'a pas su profiter de leur expérience. Je mets ça sur un trait culturel: l'écrit est sacré pour les francophones. On n'aime pas quand le peuple s'en empare. La "littérature" anglophone regorge d'idée et de piste sur le "nouveau journalisme".
Voici mes conclusions
L'expérience de huis clos représente en fait un exercice d'arrimage entre les deux mondes. Et c'était une entreprise très agréable en fait. Maintenant, il faut mettre des veilleurs à temps plein et non plus seulement pour "une simple expérience".
Le journalisme hybride doit se voir comme :
- Un reporter qui apporte la bonne histoire, dans le bon format, au bon moment, au bon endroit (par exemple, la nouvelle #lille #boum se passait sur Twitter et dans Facebook. Ne pas attendre que l'audience se rende à vous.
- Un passeur crédible entre communautés, où il apporte, avec sa conversation, un espace d'échange qu'il doit entretenir.
- Un joueur d'équipe a qui on a prêté le rôle important de valider l'information.
- Un courtier d'information parmi d'autres qui juge de la valeur de l'information et doit négocie les sens en tout temps.
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