"Culture en péril" est devenu le premier grand phénomène viral au Québec depuis les têtes à claques. Elle est aussi la première pièce virale francophone des élections en cours.
Aux auditeurs qui arrivent de la radio de Radio-Canada, bienvenue.
Vous trouverez dans ce billet des informations supplémentaires suite à l'interview que j'ai donné en fin d'après-midi sur ce sujet. Vous trouverez aussi certains autres billets sur le thème des vidéos virales ici. Les plus curieux se régaleront avec le menu de mes meilleurs billets ici.
Historique
Posté jeudi dernier en fin de journée sur Youtube, le nombre de visionnements a explosé entre vendredi et samedi et la vidéo se retrouve, au moment d'écrire ces lignes, en septième position sur Viral Video Chart.
On peut sentir un ralentissement dans la vitesse de propagation, car il est peu probable que l'accélération se maintienne toute la semaine. L'écho dans les médias traditionnels cette fin de semaine et aujourd'hui a sûrement fait le plein et la vidéo devrait suivre une courbe croissante beaucoup moins prononcée que dans les prochains jours.
La vidéo
Un jury conservateur, parlant un français approximatif et à la culture étroite, s'emmêle dans les explications d'un chansonnier venu demander des subventions gouvernementales, croyant comprendre «fuck» [un juron grossier] lorsque celui-ci chante La complainte du phoque en Alaska ou "tits" [mamelon] pour p'tite. La scène se termine par le rejet du candidat supposément parce qu'il ne représente pas assez la "culture du pays".
Les auteurs du vidéos, outre les 3 acteurs connus, ne sont pas identifiés. Une version de 8 minutes circulerait et sera vraisemblement présenté Ã un événement d'artistes demain selon une information obtenue par Paul Cauchon du Devoir.
Stats
La progression ressemble à peu près à ceci (les chiffres varient d'heure en heure)
Jeudi (soir) 3000
vendredi (matin) 6000
Samedi (matin) 120000
Dimanche (soir) 240000
Lundi (soir) 375000
Réactions
Les réactions ont été très diverses. Tous l'ont trouvé très drôle, mais les critiques négatives tournaient autour de ces thèmes:
-1) Stratégiquement mauvais pour l'image des artistes (Chantal Hébert)
-2) Mauvais usage de la caricature des Anglos (Pierre Cayouette)
-3) Absence de signature au vidéo (Michel Dumais)
Ces personnes ne sont pas nés de la dernière pluie. Mais sans rien enlever à ces grandes plumes, il serait temps de dire comme Freud : «Quelquefois un cigare est un cigare.» Ne tentons pas trop d'extrapoler. Leurs questionnements ne manquent pas de fondement, mais, hé, parfois un sketch comique est un sketch comique.
(On dirait qu'on interdit à quiconque d'ouvrir sa trappe si ce n'est pas pour sortir soit un chef-d'oeuvre universel à la Stanley Kubrick, soit une stratégie immortelle à la Sun Tzu ou Machiavel.)
Je pense, comme Michael Geist, que ce vidéo offre une façon très efficace de relancer le financement de la culture comme enjeu des élections ("provides a far more effective way to make cultural funding an election issue." ). C'est déjà commencé, avec Daniel Lessard à Radio-Canada.
Quant à l'humour kafkaïen d'un chansonnier francophone au pays des red necks, elle est bien plus une satire de la schizophrénie culturelle d'un pays surdimensionné et sous-peuplé avec deux langues dites officielles que la ridiculisation d'une classe de citoyen comme on l'a vu de façon plus cru dans le passé avec I am NOT canadian (qui est hilarant quand même).
Mécanisme
La vidéo possède les caractéristiques d'un bon viral: aucun push de départ, que du pull organique.
Comme je l'ai déjà dit: un viral fonctionne d'autant mieux quand il correspond aux attentes du terrain où il se diffuse: rien de tel qu'un bon terrain fertile pour prospérer.
Un viral possède un terreau fertile avec le web, mais il aspire toujours à trouver un vecteur de propagation plus efficace et ce sont les médias traditionnels.
Les journalistes étant sur le pied de guerre à cause de sélections, c'est effectivement un bon temps pour espérer traverser la rampe et passer sur les ondes ou dans les pages des quotidiens.
En général, contrairement à ce que l'on pourrait penser, un viral peut profiter d'un grand événement "dans la vraie vie".
Par exemple, le super bowl ou la coupe du monde (ou tout événement qui occupe l'attention du public), sur certains index, palmarès, et autres listes de destinations à la ZeitGeist, apparaître à côté d'un lien populaire peut permettre, par osmose, une visibilité accrue dans les médias ou pour le public.
Mais en général, être proche de la sensibilité des journalistes aide beaucoup.
Parasitage
Comme pour tout phénomène viral, vous verrez les parasites vouloir profiter de la notoriété du mot clé "culture en péril". Juste sur Youtube, toutes les "vidéo réponses" sont du spams (sauf un) et plusieurs autres vidéos ont depuis hier le même titre pour capturer votre attention (voir le Bloc Québécois, ou ceux du grand public qui promeuvent des arguments à 2 sous).
On voit aussi des duplications qui commencent à se propager (comme la version sous-titrée anglaise), le clip étant repris à gauche et à droite. Il devient difficile d'avoir un chiffre net et clair.
À observer
Le nombre de 375000 n'est pas nécessairement impressionnant. sur une population de 7 millions, même si ce n'est plus négligeable --mais ce n'est pas un raz de marée.
Et comme les médias ont dépensé toutes leurs munitions sur ce sujet (il est peu probable qu'ils en reparlent par la suite), nous sommes devant un cas de lancement d'une vidéo qui est sur sa lancé sans espérance d'être aidé de nouveau: alors, on pourra isoler la vraie force du bouche à oreille dans une ou deux semaines (au delà , il sera difficile d'éviter une débordement dans le reste de la francophonie et il sera plus risqué de mesurer en rapport avec la population québécoise).
Si vous vous intéressez au phénomène du viral vidéo dans le cadre des élections du gouvernement central, suivez Yves Williams.
Link to original post
Aux auditeurs qui arrivent de la radio de Radio-Canada, bienvenue.
Vous trouverez dans ce billet des informations supplémentaires suite à l'interview que j'ai donné en fin d'après-midi sur ce sujet. Vous trouverez aussi certains autres billets sur le thème des vidéos virales ici. Les plus curieux se régaleront avec le menu de mes meilleurs billets ici.
Historique
Posté jeudi dernier en fin de journée sur Youtube, le nombre de visionnements a explosé entre vendredi et samedi et la vidéo se retrouve, au moment d'écrire ces lignes, en septième position sur Viral Video Chart.
On peut sentir un ralentissement dans la vitesse de propagation, car il est peu probable que l'accélération se maintienne toute la semaine. L'écho dans les médias traditionnels cette fin de semaine et aujourd'hui a sûrement fait le plein et la vidéo devrait suivre une courbe croissante beaucoup moins prononcée que dans les prochains jours.
La vidéo
Un jury conservateur, parlant un français approximatif et à la culture étroite, s'emmêle dans les explications d'un chansonnier venu demander des subventions gouvernementales, croyant comprendre «fuck» [un juron grossier] lorsque celui-ci chante La complainte du phoque en Alaska ou "tits" [mamelon] pour p'tite. La scène se termine par le rejet du candidat supposément parce qu'il ne représente pas assez la "culture du pays".
Les auteurs du vidéos, outre les 3 acteurs connus, ne sont pas identifiés. Une version de 8 minutes circulerait et sera vraisemblement présenté Ã un événement d'artistes demain selon une information obtenue par Paul Cauchon du Devoir.
Stats
La progression ressemble à peu près à ceci (les chiffres varient d'heure en heure)
Jeudi (soir) 3000
vendredi (matin) 6000
Samedi (matin) 120000
Dimanche (soir) 240000
Lundi (soir) 375000
Réactions
Les réactions ont été très diverses. Tous l'ont trouvé très drôle, mais les critiques négatives tournaient autour de ces thèmes:
-1) Stratégiquement mauvais pour l'image des artistes (Chantal Hébert)
-2) Mauvais usage de la caricature des Anglos (Pierre Cayouette)
-3) Absence de signature au vidéo (Michel Dumais)
Ces personnes ne sont pas nés de la dernière pluie. Mais sans rien enlever à ces grandes plumes, il serait temps de dire comme Freud : «Quelquefois un cigare est un cigare.» Ne tentons pas trop d'extrapoler. Leurs questionnements ne manquent pas de fondement, mais, hé, parfois un sketch comique est un sketch comique.
(On dirait qu'on interdit à quiconque d'ouvrir sa trappe si ce n'est pas pour sortir soit un chef-d'oeuvre universel à la Stanley Kubrick, soit une stratégie immortelle à la Sun Tzu ou Machiavel.)
Je pense, comme Michael Geist, que ce vidéo offre une façon très efficace de relancer le financement de la culture comme enjeu des élections ("provides a far more effective way to make cultural funding an election issue." ). C'est déjà commencé, avec Daniel Lessard à Radio-Canada.
Quant à l'humour kafkaïen d'un chansonnier francophone au pays des red necks, elle est bien plus une satire de la schizophrénie culturelle d'un pays surdimensionné et sous-peuplé avec deux langues dites officielles que la ridiculisation d'une classe de citoyen comme on l'a vu de façon plus cru dans le passé avec I am NOT canadian (qui est hilarant quand même).
Mécanisme
La vidéo possède les caractéristiques d'un bon viral: aucun push de départ, que du pull organique.
Comme je l'ai déjà dit: un viral fonctionne d'autant mieux quand il correspond aux attentes du terrain où il se diffuse: rien de tel qu'un bon terrain fertile pour prospérer.
Un viral possède un terreau fertile avec le web, mais il aspire toujours à trouver un vecteur de propagation plus efficace et ce sont les médias traditionnels.
Les journalistes étant sur le pied de guerre à cause de sélections, c'est effectivement un bon temps pour espérer traverser la rampe et passer sur les ondes ou dans les pages des quotidiens.
En général, contrairement à ce que l'on pourrait penser, un viral peut profiter d'un grand événement "dans la vraie vie".
Par exemple, le super bowl ou la coupe du monde (ou tout événement qui occupe l'attention du public), sur certains index, palmarès, et autres listes de destinations à la ZeitGeist, apparaître à côté d'un lien populaire peut permettre, par osmose, une visibilité accrue dans les médias ou pour le public.
Mais en général, être proche de la sensibilité des journalistes aide beaucoup.
Parasitage
Comme pour tout phénomène viral, vous verrez les parasites vouloir profiter de la notoriété du mot clé "culture en péril". Juste sur Youtube, toutes les "vidéo réponses" sont du spams (sauf un) et plusieurs autres vidéos ont depuis hier le même titre pour capturer votre attention (voir le Bloc Québécois, ou ceux du grand public qui promeuvent des arguments à 2 sous).
On voit aussi des duplications qui commencent à se propager (comme la version sous-titrée anglaise), le clip étant repris à gauche et à droite. Il devient difficile d'avoir un chiffre net et clair.
À observer
Le nombre de 375000 n'est pas nécessairement impressionnant. sur une population de 7 millions, même si ce n'est plus négligeable --mais ce n'est pas un raz de marée.
Et comme les médias ont dépensé toutes leurs munitions sur ce sujet (il est peu probable qu'ils en reparlent par la suite), nous sommes devant un cas de lancement d'une vidéo qui est sur sa lancé sans espérance d'être aidé de nouveau: alors, on pourra isoler la vraie force du bouche à oreille dans une ou deux semaines (au delà , il sera difficile d'éviter une débordement dans le reste de la francophonie et il sera plus risqué de mesurer en rapport avec la population québécoise).
Si vous vous intéressez au phénomène du viral vidéo dans le cadre des élections du gouvernement central, suivez Yves Williams.
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