Aujourd'hui, je me rends compte que c'est une douleur atroce.
Ma grand-mère maternelle est atteinte de la maladie d'alzheimer.
Une maladie qui la suivait depuis un bon bout de temps.
Voir ma grand-mère oublier mon prénom, s'y prendre à plusieurs fois avant de me reconnaître était pénible mais pas supportable.
Elle y arrivait toujours à la fin et me racontait, à la file, les anecdotes du temps où j'étais qu'un gamin qui la faisait courir derrière moi dans le jardin de la maison de mes grand-parents.
Je ne voyais pas souvent ma grand-mère. J'y allais quand je pouvais, pour les occasions seulement.
Je savais qu'elle était malade mais bon...
Le travail, les études, les "trucs à faire", toutes les excuses étaient bonnes. Ce n'était pas de la mauvaise volonté mais voilà ... je ne lui rendais pas souvent visite.
La dernière fois que je l'ai vue, il y a de cela 9 mois, ma grand-mère allait relativement bien. Elle ne me reconnaissait pas tout de suite mais elle y arrivait à force de lui rappeler qui j'étais.
Aujourd'hui mon père m'a demandé d'aller la voir. "Ta grand-mère ne va pas très bien..." J'ai failli ne pas y aller, par fainéantise comme d'habitude mais en fin de compte j'y suis allé.
Je tiens à préciser qu'elle habite à 10 km de chez moi, autant dire 25 minutes en voiture. Une précision de taille...
J'arrive à la maison, j'entre et je demande où est-elle... comme si elle pouvait être ailleurs que sur son lit.
Sur un lit, semblable à celui d'un hôpital, j'ai vu ma grand-mère allongée, maigre, tremblotante, les yeux regardant vers le vide, ne bougeant pas sauf la bouche pour respirer.
On m'a appris que son état avait empiré il y a de cela deux semaines.
Elle ne bougeait plus, ne parlait plus, ne sentait plus rien... J'ai vite compris que le "ne va pas très bien" de mon père voulait dire "elle n'en a plus pour très longtemps"
J'ai éclaté en larmes.
J'ai pleuré comme je n'ai jamais pleuré de ma vie.
Toutes les personnes présentes pensaient que j pleurais par pitié pour l'état de ma grand-mère.
Au fait, je pleuré tellement j'avais honte de moi-même.
J'ai pleuré car je regrettais de ne pas être venu la voir.
Qu'est-ce que je n'aurai pas fait pour qu'elle me dise encore un seul mot... mais il était hélas trop tard.
Dire que si j'étais passé il y a un mois, deux semaines, elle m'aurait encore parlé et elle m'aurait encore raconté les mêmes anecdotes et je l'aurai encore embrassé en rigolant...
Mais aujourd'hui, il est trop tard.
Je me sens comme un moins que rien car je n'ai pas su accorder une heure à ma grand-mère.
Je n'ai jamais rien regretté de ma vie autant les instants que je n'ai pas passé avec une personne aussi chère à mon coeur.
Est-ce par égoïsme? Même si ce n'est pas fait exprès, ça l'est forcément.
Aucun rythme de vie, aucun engagement professionnel, aucun travail, aucune fatigue, aucun stress ne justifie que l'on ne puisse pas accorder une heure de son temps, une fois par semaine à une personne proche atteinte d'une maladie aussi atroce que la maladie d'Alzheimer.
Aujourd'hui j'ai honte de moi. Honte de ne pas avoir été là . Honte d'avoir à avouer tout cela...
Il n'est jamais évident d'avouer ses torts, encore plus quand la vie d'une personne chère y est, quelque part, liée.
Alors si vous avez un proche souffrant, Alzheimer ou pas, prenez le temps d'aller le voir le plus souvent car sinon vous vous retrouverez dans la situation qui a été la mienne.
J'ai voulu titrer ce texte "Je regrette..." mais je me suis rendu compte que plus que le le regret, c'est de la honte que je ressentirai pour toujours...
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